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Sécurité des soins Maladie
Publié le 9 mars 2022 Modifié le 7 juin 2023
Auteurs
  • VHMN – user icon
    Dr.Denis Dr Valmont
    Copywriter
Temps de lecture : 5 minutes

Calcul du risque de Trisomie 21

Le cas commenté du mois concerne une erreur de calcul du risque de Trisomie 21 donnant lieu à une indemnisation au titre du préjudice d’impréparation, à l’amiable, sans expertise.

L’analyse du docteur et médecin conseil De Valmont

Le docteur De Valmont, médecin-conseil chez Relyens et spécialiste reconnu du monde médical, nous livre sa réflexion et son analyse à propos de l’erreur de calcul du risque de Trisomie 21 traité dans cet article.

Les faits

Madame C bénéficie en avril 2010 d’une échographie du 1er trimestre au cours de laquelle la clarté nucale est mesurée à 1.7 mm. La longueur cranio-caudale est à 61 mm. Au cours de cette consultation, il est prescrit des marqueurs sériques pour le dépistage de la Trisomie 21. Le laboratoire agréé calcule un risque en fonction des taux d’hCG et d’AFP à 1/60, ce qui indique une amniocentèse.

Pour calculer un risque intégrant la clarté nucale, le gynécologue-obstétricien utilise la feuille de calcul du Dr Brideron. Ce faisant il commet une erreur de frappe en renseignant une clarté nucale à 17mm au lieu de 1.7 mm. Curieusement, le risque recalculé avec cette méthode est de 1/363. L’amniocentèse est annulée.

L’enfant naît trisomique.

Analyse médico-légale

Relyens a estimé que la faute de frappe du praticien, qui utilisait par ailleurs un logiciel non validé et qui n’a pas refait le calcul alors qu’il existait une différence très importante de résultat entre l’appréciation du risque sans puis avec la clarté nucale, engageait la responsabilité de l’établissement.

Indemnisation

Seul le préjudice d’impréparation est indemnisable.

Commentaires

Concernant la valeur de risque aberrante rendue par le logiciel :

  • Le logiciel BRIDERON, qui a rendu de grands services avant 2009, n’est pas fait pour recevoir une valeur de clarté nucale ayant deux chiffres avant la virgule,
  • par conséquent lorsque le praticien a tapé 17 mm, le logiciel n’a retenu que le premier chiffre, soit 1 mm,
  • cela a donné un risque à 1/5334. Avec un risque lié à l’âge à 1/870 et un risque sérologique à 1/60, le risque intégré est sorti à 1/363 (l’amniocentèse est proposée pour un risque au-dessus de 1/250),
  • si la valeur de 1.7 mm avait été utilisée, la patiente aurait bénéficié d’une amniocentèse.

Textes et bonnes pratiques

L’arrêté du 23 juin 2009 (publié au JO le 3 juillet 2009) fixe les règles de bonnes pratiques en matière de dépistage et de diagnostics prénatals. A partir de cette date, les échographistes ont dû valider une évaluation de leur pratique professionnelle de la mesure de la clarté nucale afin d’obtenir un agrément pour pratiquer les échographies du premier trimestre et pouvoir transmettre leur mesure de la clarté nucale aux laboratoires agréés.

L’analyse du risque intégré de Trisomie 21 au premier trimestre doit être basée sur une clarté nucale mesurée entre 11 et 13 SA + 6 jours. La longueur cranio-caudale doit être entre 45 et 83 mm. Le risque intégré doit être calculé avec l’un des 4 logiciels fournis par les fabricants des machines de mesure des taux sériques. Ces logiciels sont régulièrement testés entre eux.

En l’espèce :

Le praticien n’avait pas encore son agrément lorsqu’il a réalisé l’examen. C’est donc lui qui a finalisé le calcul du risque intégré.

Point de vigilance :

De nombreuses prescriptions de dépistage de la Trisomie 21 ne sont à ce jour pas accompagnées de la mesure de la clarté nucale, dans une proportion estimée à 20% par un laboratoire agréé contacté. Cela laisse craindre que la feuille de calcul du Dr BRIDERON ou analogue soit encore utilisée…

Le mot du Docteur Brideron

Merci au Dr Denis de Valmont de m’ouvrir ces colonnes.

Avant 2009, le dépistage de la trisomie 21 (t21) manquait de rationalité. A un 1er dépistage par la clarté nucale (CN) succédait un 2ème dépistage sérologique. Avec ce dépistage dit « non intégré », les faux positifs de la CN se rajoutaient à ceux du DS2 entraînant un taux de faux positif global important (10 à 15%) à l’origine d’un nombre élevé de fausse-couches iatrogènes.

Ces pertes fœtales indues étaient d’autant plus inacceptables que les indications d’amniocentèses étaient basées sur une erreur dans les modalités de calcul du risque de t21. En effet, le théorème de BAYES nous apprend que lors de la réalisation d’un ou de plusieurs tests successifs de dépistage, la probabilité post-test est égale à la probabilité initiale pré-test dans le groupe testé multiplié par un facteur dit de vraisemblance :

Risque post-test = risque pré-test x facteur de vraisemblance

Mais, dans le cadre du dépistage non intégré, le laboratoire calculait le risque sérologique en partant du risque pré-test qui correspondait à celui de l’âge de la patiente :

Risque sérologique = risque donné par l’âge x facteur de vraisemblance

Or, ces patientes avaient déjà subi un premier dépistage (écrémage) par la CN. Donc, leur probabilité de donner naissance à un t21 était inférieure à celle estimée d’après leur âge. Le risque pré-test sérologique aurait du être le risque post-test de la clarté nucale.

Risque sérologique = risque post clarté nucale x facteur de vraisemblance

Cette modalité exacte de calcul s’appelle le risque « combiné ». Les laboratoires rendaient donc un calcul faux avec un risque de t21 supérieur à ce qu’il était réellement.

C’est un peu compliqué n’est-ce- pas ? Je vous le concède. C’est pourquoi j’ai créé à titre pédagogique une page de calcul de risque combiné. Ce logiciel n’avait pas vocation à une utilisation clinique mais servait uniquement à démontrer par la pratique l’erreur induite par l’utilisation du dépistage non intégré en lieu et place du dépistage combiné.

J’ai la faiblesse de penser qu’il a rempli son rôle auprès des leaders d’opinion et autres décideurs. Depuis le 23 Juin 2009, son utilisation n’est plus d’actualité. Le dépistage de la t21 est officiellement basé sur le théorème de Bayes appliqué à la CN et aux marqueurs sanguins dans le cadre d’un calcul de risque combiné.

Nous assistons à une baisse des faux positifs, des actes invasifs, des pertes fœtales.

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