Retour au blog
Sécurité des soins Maladie
Publié le 2 juillet 2021 Modifié le 7 février 2024
Auteurs
  • VHMN – user icon
    Les experts Relyens
Temps de lecture : 7 minutes

Isolement et contention en soins psychiatriques sans consentement

Une évolution législative en faveur des droits des patients 

C’est suite à deux décisions du Conseil Constitutionnel que les dispositions législatives relatives aux mesures d’isolement et de contention ont connu d’importants changements visant à réduire fortement la pratique de ces mesures en les encadrant et les contrôlant davantage.   

Rappelons que l’article 84 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021[1] a modifié en profondeur les dispositions de l’article L3222-5-1 du Code de la Santé publique régissant les mesures d’isolement et de contention mises en œuvre dans le cadre de soins non consentis en psychiatrie. 

Ces dispositions, qui s’approprient largement les recommandations de bonnes pratiques émises sur le sujet par la HAS en 2017, répondent aux critiques émises par le Conseil constitutionnel dans une première décision du 19 juin 2020 quant à la nécessité de soumettre ces mesures au contrôle du juge judiciaire[2]. 

Le seul contrôle facultatif du juge judiciaire ne suffisant pas à répondre aux exigences de la Constitution, le Conseil Constitutionnel censure une deuxième fois le 4 juin 2021 les dispositions légales aux motifs qu’elles ne soumettent pas le maintien à l’isolement ou sous contention au-delà d’une certaine durée à l’intervention systématique du juge judiciaire[3]. 

Les modifications instituant le contrôle systématique du juge ont été faites par la loi du 22 janvier 2022[4] laquelle a été suivie d’un décret du 23 mars 2022[5] et d’une instruction du 29 mars 2022[6] qui apporte des éléments très précieux à la compréhension de la loi. 

Enfin, une troisième saisine du Conseil Constitutionnel en janvier 2023[7] portant sur l’absence d’information systématique du patient des voies de recours ouvertes dès le début de la mesure mais également de l’absence d’intervention systématique d’un avocat lors du contrôle de l’isolement et de la contention n’a quant à elle pas abouti à une nouvelle déclaration d’inconstitutionnalité. 

L’article L3222-5-1 du Code de la Santé publique est donc toujours dans sa rédaction résultant de la loi du 22 janvier 2022 que nous détaillons ci-après. 

[1] LOI n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021

[2] Décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020

[3] Décision n° 2021-912/913/914 QPC du 4 juin 2021

[4] Article 17 de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire

[5] Décret n° 2022-419 du 23 mars 2022 modifiant la procédure applicable devant le juge des libertés et dela détention en matière d’isolement et de contention mis en oeuvre dans le cadre de soinspsychiatriques sans consentement

[6] INSTRUCTION N° DGOS/R4/2022/85 du 29 mars 2022 relative au cadre juridique des mesures d’isolement et de contention en psychiatrie et à la politique de réduction du recours aux pratiques d’isolement et de contention

[7] Décision n° 2023-1040/1041 QPC

Définition de prérequis nécessaires à la mise en œuvre d’une mesure d’isolement ou de contention 

Les mesures d’isolement et de contention ne peuvent être décidés que dans les conditions suivantes : 

  • pour des patients en hospitalisation complète sans consentement 
  • en pratiques de dernier recours  
  • pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui,  
  • sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient.  
  • une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.  

Limitation des durées  

Isolement  Contention 
  • 12h max, renouvelable dans la limite d’une durée totale de 48h. 
  • deux évaluations par 24 heures 
  • 6h max, renouvelable dans la limite d’une durée totale de 24h. 
  • deux évaluations par 12 heures 

Renouvellement des mesures et obligation d’information 

A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler la contention et l’isolement, au-delà des durées totales selon les mêmes modalités prévues dans le tableau ci-dessus. 

Le directeur d’établissement doit alors en informer sans délai le juge des libertés et de la détention (JLD). 

Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt. 

Attention au décompte de la durée en cas de succession de mesures qui est capital pour le respect de l’obligation d’information des proches et du JLD ainsi que la saisine de ce dernier : 

La loi distingue la mesure qu’il faut considérer comme un renouvellement de la mesure précédente de celle à considérer comme une mesure nouvelle. Le décompte de la durée des mesures doit aussi être fait sur une période de 15 jours.

Mesures espacées de moins de 48h  Les durées de chaque mesure s’ajoutent 
Mesure prise plus de 48h après la fin de la précédente  C’est une nouvelle mesure, le décompte repart à 0 
Succession de mesures non consécutives espacées d’au moins 48 heures, et dont la durée de chacune des mesures reste inférieure à la durée totale prévue par la loi, sur une période de 15 jours  Cumul de la durée de toutes les mesures non consécutives sur la période de 15 jours 

Contrôle du JLD : 

Avant d’aborder les modalités de contrôle du JLD, il est à noter que le Conseil Constitutionnel dans sa récente décision du 31 mars 2023[8] considère que l’absence de notification au patient du droit de saisir le JLD dès le début de la mesure et de son droit d’être assisté ou représenté par un avocat ne méconnaît pas le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense.

Contrôle systématique : 

Le JLD est saisi systématiquement par le directeur de l’établissement : 

– avant l’expiration de la 48ème heure de contention dès lors qu’une décision de renouvellement est prise par le médecin ; 

– avant l’expiration de la 72ème heure d’isolement dès lors qu’une décision de renouvellement est prise par le médecin. 

Contrôle facultatif : 

  • dans le cadre de son contrôle sur les mesures de soins sans consentement  
  • lors d’une saisine formée par les proches du patient pour solliciter la mainlevée de la mesure d’isolement ou de contention[9]
  • possibilité de se saisir d’office  

Si le JLD décide de lever la mesure : 

Aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de 48 heures à compter de la mainlevée, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui. Le directeur de l’établissement informe alors sans délai JLD qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la nouvelle mesure. 

Si le JLD décide de maintenir la mesure : 

Le médecin peut renouveler dans les mêmes conditions vues ci-dessus l’isolement et la contention.  

Toutefois la loi a prévu des dispositions particulières au renouvellement d’une mesure d’isolement après deux décisions de maintien prises par le JLD : 

Le JLD doit être saisi au moins 24 heures avant l’expiration d’un délai de 7 jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt.  

[8] Décision n° 2023-1040/1041 QPC du 31 mars 2023

[9] L3211-12 code de la santé publique

Obligation de tracer et d’évaluer les mesures : 

Tenue d’un registre numérique obligatoire 

Le contenu du registre est le suivant : 

  • le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure,  
  • un identifiant du patient concerné ainsi que son âge, son mode d’hospitalisation,  
  • la date et l’heure de début de la mesure, sa durée  
  • et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée 

Le registre doit être présenté sur demande à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires. 

Rédaction d’un rapport annuel obligatoire  

Ce rapport rend compte :  

  • des pratiques d’admission en chambre d’isolement et de contention,  
  • de la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l’évaluation de sa mise en œuvre. 

Il doit être transmis pour avis à la commission des usagers et au conseil de surveillance. 

En bref :

  • Les mesures d’isolement et contention ne peuvent intervenir qu’en dernier recours. 
  • Elles doivent faire l’objet d’une décision médicale motivée, à l’issue de l’évaluation du patient. 
  • Durant toute la durée de la mesure, le patient doit faire l’objet d’une stricte surveillance tant psychiatrique que somatique, tracée dans le dossier. 
  • Une mesure d’isolement ne peut être prescrite pour une durée supérieure à 12h, renouvelable dans les mêmes conditions jusqu’à 48h maximum. 
  • Une mesure de contention ne peut être prescrite pour une durée supérieure à 6h, renouvelable dans les mêmes conditions jusqu’à 24h maximum. 
  • Au-delà de ces délais maximum (en continue ou répartis sur l’espace de 15 jours), le JLD doit en être avisé et les personnes susceptibles d’agir dans son intérêt doivent être informés de la possibilité de saisir le JLD. 
  • Outre les informations préexistantes, le registre des mesures d’isolement et de contention doit intégrer un identifiant du patient, son âge et son mode d’hospitalisation. Le registre doit être établi au format numérique

Sur le même sujet

Toutes les publications